Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Jean-Philippe Tremblay,

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 19 juin 2010


«Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années.» Corneille ne connaissait pas encore Jean-Philippe Tremblay quand il a écrit cette réplique du «Cid». Et pourtant! Comment mieux décrire l’époustouflante carrière de ce musicien de 31 ans qui donne de l’éclat à la fierté qu’il nous inspire.

Issu d’une famille rompue aux affaires, Jean-Philippe aborde la musique à l’alto dès l’âge de cinq ans. Dix ans plus tard, en l’absence inopinée du chef de l’Ensemble du Conservatoire, le jeune altiste de 15 ans s’empare impulsivement de la baguette et dirige ses pairs dans l’ouverture de l’Italienne à Alger de Rossini. Coup de cœur pour une baguette magique qui va le propulser rapidement au sommet!

Jean-Philippe nous étonne depuis sa prime jeunesse, par des études menées avec brio au Conservatoire de musique de Chicoutimi et à l'Université de Montréal en alto, écriture musicale et direction d'orchestre. Études complétées, en 1998, par sa formation à la Royal Academy of Music à Londres, à l'École Pierre Monteux ainsi qu’au Tanglewood Music Center auprès des réputés Robert Spano, Seiji Ozawa, André Prévin, Jorma Panula et Michael Jinbo.

Fondateur de la société de production Cantus Firmus à Chicoutimi, chef d’orchestre occasionnel de l’Orchestre des Jeunes du Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’altiste devient, au cours de l'été 2000, le plus jeune chef canadien de l'histoire à être admis à titre de Conducting Fellow au prestigieux Tanglewood Music Center. Il n’a pas encore 30 ans qu’il a déjà dirigé les plus grands orchestres philharmoniques du monde. Et pourtant, jusqu’à ce jour son cœur et sa baguette sont tout acquis à l’Orchestre de la francophonie qu’il a fondé à l’âge de 23 ans. En janvier dernier, le jeune chef concluait un projet fou, avec l’Orchestre et le Chœur de la francophonie, en réalisant l’enregistrement de Beethoven Live, première commercialisation de l’intégrale des symphonies de Beethoven par un orchestre canadien.

Le succès est la réponse du travail accompli. Jean-Philippe récolte autant qu’il a semé. «Les spectateurs de l'Orchestre philharmonique de Londres lui ont accordé une ovation debout. La reine Sofia d'Espagne l'a félicité dans sa loge de Madrid. La foule de Vienne l'a tellement applaudi qu'il est revenu plus de 12 fois sur scène pour la saluer», relate le journaliste Daniel Côté dans Le Quotidien. Seul Canadien à la finale du Concours international de direction d'Orchestre Dimitris Mitropoulos d’Athènes en Grèce, il y remporte l’Orchestra's préférence Award 2002 et une mention d’honneur du jury. Premier récipiendaire du Prix Joyce Conger pour les Arts de la Scène, lauréat du Roise Roitman Award, il est membre honoraire à vie du Golden Key International Society.

Aujourd’hui, bardé de récompenses et d’honneurs, il revient du Venezuela où il a travaillé avec l'Orchestre symphonique Simon Bolivar, alors qu’il venait à peine de participer à l’ouverture de l’exposition universelle de Shanghai, où il a dirigé le 4e Concerto d'André Mathieu interprété par son ami, le pianiste Alain Lefèvre.

Le talent est un don. Et Jean-Philippe en est grandement pourvu. La générosité est un choix. Et nous en cueillons les fruits. Ce jeune Chicoutimien, dont le mien suivant «Chicouti» se veut le nôtre, demeure très présent dans sa région natale. Il répond toujours présent pour soutenir autant les jeunes du Conservatoire que la Société d’art lyrique du Royaume et autres organismes culturels de la région, nous convainquant, plutôt que l’inverse, qu’il nous est reconnaissant d’avoir eu confiance en lui, de l’avoir soutenu et de l’aimer.

Le 19 juin 2010

Jean-Philippe Tremblay

Maestro visionnaire d'une remarquable générosité

fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet

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mardi 3 août 2010

Jean-Philippe Tremblay rencontre Le Soleil



Jean-Philippe Tremblay 
mène aujourd'hui une carrière internationale. 
© Photo Le Soleil - Patrice Laroche

 Le musicien et le chef




(Québec) Jean-Philippe Tremblay est surtout connu comme chef d'orchestre. Mais le jeune maestro est également altiste.
«La musique de chambre pour alto est un répertoire magnifique. Je me fais une joie et un devoir de continuer de pratiquer chaque jour.» Il dit garder ainsi un contact direct avec le son, ce que lui permet plus difficilement sa baguette.
Depuis quelques années, Jean-Philippe Tremblay a la chance de jouer sur un alto Guillami 1754 prêté par la Fondation Canimex. «Un vrai bonheur», qu'il traîne partout sur la route avec lui. Il souligne que le métier de chef en est un de solitaire, à voyager souvent trois semaines par mois. «Quand je rentre dans ma chambre d'hôtel après les répétitions, en prenant mon instrument, j'ai l'impression de retrouver un vieil ami.» Il conserve à son agenda une quinzaine de concerts comme altiste par an.
Jean-Philippe Tremblay est tombé amoureux de la sonorité de l'alto à 11 ans. Plus tôt, il a fait ses débuts en musique au violon. Il faut alors remonter à l'école primaire, au Saguenay. Il garde un très bon souvenir de son premier professeur, soeur Jeannette Plourde. «Elle avait une approche très humaine, toujours tournée vers le respect du compositeur, de la partition. Elle enseignait à mettre son ego de côté pour laisser le texte musical parler. Elle m'a beaucoup influencé.»
De l'archet à la baguette
Plus tard, il a étudié l'alto, la composition et la direction d'orchestre au Conservatoire de musique du Québec à Chicoutimi et à la faculté de musique de l'Université de Montréal. Il a aussi fait des camps d'été, notamment celui du Domaine Forget, à Saint-Irénée. Trois fois. «Mes parents ont une maison à La Malbaie. On est toujours allés au Domaine où j'ai entendu des concerts mémorables [sa famille aime la musique sans en jouer]. Ensuite, j'ai eu le goût d'y aller.»
Celui qui est porte-parole du Festival international du Domaine Forget cette année ne tarit pas d'éloges sur l'institution et son Académie, les professeurs invités, la salle Françoys-Bernier... «Et le coup d'oeil! La nature environnante inspire à faire de grandes choses en musique.»
Jean-Philippe Tremblay est aussi passé par l'École Pierre Monteux dans le Maine et a été sélectionné au Tanglewood, la résidence d'été de l'Orchestre symphonique de Boston. «Ça, c'est l'absolu sur la planète.» Il a eu la chance de travailler là-bas avec Seiji Ozawa. «Du point de vue technique, il est un des plus grands chefs. Chaque geste est tellement précis. C'est quelqu'un qui fait beaucoup d'arts martiaux, il est magnifique à voir et sa relation avec l'orchestre était extraordinaire.»
Parmi ses influences, Jean-Philippe Tremblay compte aussi Charles Dutoit, qu'il considère comme un musicien hors pair, un grand bâtisseur. Il souligne qu'il a eu la chance de jouer sous sa direction alors qu'il étudiait au Royal Academy of Music à Londres.
Avec tout ce bagage, Jean-Philippe Tremblay mène aujourd'hui une carrière internationale. Il est chef invité de l'Orchestre national de France, de l'Orchestre de chambre de Londres... Il était de l'ouverture de la dernière Exposition universelle avec l'Orchestre symphonique de Shanghai.
Ailleurs et au pays
Au pays, il se consacre à un projet qui lui tient beaucoup à coeur, l'Orchestre de la Francophonie (OF), dont il est directeur artistique depuis les débuts. «Tout ça est parti du volet culturel des Jeux de la Francophonie d'Ottawa-Hull en 2001. C'est devenu l'académie d'orchestre canadienne pour les jeunes professionnels.»
Soixante-quatre musiciens ont été retenus par audition cette année. Bien que le programme soit donné majoritairement en français, le directeur insiste pour dire que tout le monde au Canada est accueilli à bras ouverts, peu importe la langue maternelle. «La vraie langue, c'est la musique.»
Dévoué à cette mission depuis bientôt 10 étés, le jeune chef est loin de se plaindre de ne pas avoir de vacances. «Pour moi, c'est très rafraîchissant de revenir avec des jeunes pour qui la musique n'est pas encore un travail, mais est au stade de passion. Ce qui leur manque en expérience, on le compense en énergie.»
Avec son orchestre renouvelé, Jean-Philippe Tremblay a exploré différents répertoires. Il a notamment enregistré deux disques voués à Bruckner (un compositeur qu'il aime beaucoup), en plus du coffret Beethoven Live. Pour les 10 ans de l'OF l'an prochain, deux projets de disque sont  prévus, en plus d'une tournée en Chine.
Dans trois ou quatre ans, Jean-Philippe Tremblay aimerait que son académie estivale devienne annuelle. «Une résidence à l'année permettrait de donner une formation beaucoup plus proche d'un vrai orchestre, avec un paquet de chefs invités et des solistes.» Et même s'il aura sans doute des engagements ailleurs, il sera toujours dans les parages. «C'est mon bébé.»


Les sens de Jean-Philippe Tremblay


La plus belle chose que vous ayez vue?
La première fois que j'ai mis les pieds en Cornouailles, ces belles falaises qui se jettent dans l'Atlantique nord. Ç'a été un beau moment visuel et auditif avec le bruit des vagues.


L'odeur qui vous rappelle votre enfance?
La campagne au Saguenay, l'odeur de la nature, des conifères.


Qu'est-ce qui vous touche?
El Sistema au Vénézuela [un programme d'éducation musicale qui touche au-delà de 400 000 enfants) a été une révélation complète. Que la musique serve comme outil social, que l'orchestre devienne un mode de vie pour sortir les jeunes de la rue, c'est extraordinaire...

Les sons que vous préférez entendre?
Un accord d'orchestre bien calibré dans une grande salle de concert. Un accord pianissimo, quelque chose de très doux quand on ne distingue même pas les instruments. Quand ça arrive, vous avez une espèce de miniorgasme.


Qu'est-ce qui vous fait saliver?
Tous les pinots noirs. Ma copine et moi, on a même fait notre voyage de noces dans la Vallée de Nappa.

Où serez-vous dans 20 ans?
Je serai certainement en répétition en train de préparer un programme. Le métier de chef d'orchestre est le métier d'une vie, il n'y a pas de retraite.


lors du Gala 2010 de l'Ordre du Bleuet 
est félicité par le président d'honneur, 
Michel Simard, président éditeur au Progrès du Saguenay
© Photo Michel Tremblay - Le Quotidien

Jean-Philippe Tremblay: le plaisir de diriger à Québec...

(Québec) Il est né à Chicoutimi, il vit aujourd'hui à Montréal, entre deux voyages à l'étranger. Mais régulièrement, il s'arrête chez nous. Et avec plaisir. «Depuis quelques années à Québec, ce sont juste de grands moments de musique pour moi», lance le jeune chef d'orchestre Jean-Philippe Tremblay.
L'an dernier, il y a eu bien sûr l'enregistrement des neuf Symphonies de Beethoven avec son Orchestre de la Francophonie (OF) au Palais Montcalm. À la mi-juillet, il y était de retour pour quatre concerts dédiés cette fois à Schumann.
Pour Jean-Philippe Tremblay, ces passages à la salle Raoul-Jobin sont une grande chance pour son OF, une académie d'été servant de tremplin aux jeunes musiciens qui veulent poursuivre une carrière professionnelle. «C'est l'une des plus belles salles du pays. Pour travailler l'esthétique sonore, les couleurs, les articulations, c'est le rêve absolu.»
Toujours au Palais Montcalm, en mars dernier, le jeune maestro a été invité à diriger l'Orchestre symphonique de Québec (OSQ) lors d'une soirée consacrée à l'Irlande. «C'est une formation avec qui j'ai beaucoup d'affinités, de plaisir.» Tiens, tiens... Pourrait-il être parmi les candidats à la succession de Yoav Talmi? «On a beaucoup de projets en cours avec eux [les musiciens de l'OSQ]. Je ne peux rien vous dire de précis. Mais j'ai adoré travailler avec eux et certainement qu'on refera de la musique ensemble bientôt.»
À 32 ans, Jean-Philippe Tremblay ne cache pas son désir de développer une relation à long terme avec un grand orchestre. «J'aime bien le mode de vie de chef invité [il devrait d'ailleurs annoncer en novembre une nouvelle nomination comme premier chef invité en Europe]. Mais comme directeur artistique ou musical, on peut vraiment faire évoluer l'orchestre, lui faire découvrir une nouvelle sonorité, une nouvelle façon de programmer... Il faut toutefois trouver le match parfait.»
Il glisse encore que des choses intéressantes s'en viennent au Québec. «Ça me chatouille, mais tout est en retenue, les contrats doivent se signer.» Il faudra donc suivre de près cette jeune baguette.


Condensé Schumann au Domaine Forget

Pour ceux qui auraient manqué la série de concerts avec Jean-Philippe Tremblay et son Orchestre de la Francophonie au Palais Montcalm cet été, un condensé des meilleurs moments sera proposé samedi à 20h30 au Domaine Forget, à Saint-Irénée. Au menu, le Concerto pour piano en la mineur de Schumann, sa Symphonie no 4  et une création d'un jeune compositeur torontois, Staniland. Le pianiste Serhiy Salov agira comme soliste. Billets : 32 $. Réservations : 418 452-3535 ou en ligne sur www.billetech.com

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